ISSN: 1204-5357
Dominique Ferrand, Ph.D.1 and Marie-France Gratton2
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For the indigenous peoples of the Great Canadian North, living far from the major service centers, web sites are essential vehicles for accessing information on health. Ensuring quality design of the websites on health for the indigenous peoples, besides ensuring the quality of their information content, necessitate to adapt their presentation to the cultural context, to define access to the web sites that take into consideration the conditions of particular environment, and establish links with the traditional medicine. This study identifies the foundation that should underlie the development of these websites.
Keywords |
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indigenous peoples; aboriginal culture; health websites; websites design; traditional medicine; user-centered approach | ||||
Introduction |
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L'accès aux soins de santé dans le Grand Nord Canadien se heurte à de multiples obstacles: éloignement des grands centres, dispersion géographique, diversité des langues, conditions sociales, culture et tradition des communautés autochtones. Le gouvernement du Canada a lancé diverses initiatives afin que le droit à la santé des populations autochtones éloignées soit respecté par une offre de services adaptés (Indian and Northern Affairs Canada (INAC), 2000). | ||||
L'information sur les divers aspects de la santé joue un rôle essentiel auprès des populations autochtones éloignées, dont la qualité de vie et les conditions sociales, bien qu'elles ne cessent de s'améliorer, restent inférieures à la moyenne de celles des Canadiens non-autochtones (National Aboriginal Health Organization, 2008). Elles sont notamment, et de manière significative par rapport à l'ensemble de la population canadienne, affectées par la violence familiale, le suicide, les maladies respiratoires, le diabète, la tuberculose, et l'alcoolisme (National Aboriginal Health Organization, 2003; Silverman, Goodine, Ladouceur & Quinn, 2001). Dans ce contexte, les sites web constituent des véhicules cruciaux pour acheminer l'information de santé à la fois auprès des personnels de santé déployés en régions éloignées, et auprès des patients en les orientant, en les consultant, et en les amenant à participer à la gestion de leur santé. | ||||
Une question alors se pose : les particularismes des populations du Grand Nord impliquent-ils une conception de sites web aux caractéristiques spécifiques ? Afin d'atteindre le statut d'informateur, dans quelle mesure les sites web de santé doivent-ils refléter ces particularismes? Sur quels fondements la conception de ces sites web doitelle reposer? | ||||
La recherche entreprise a visé à fixer les lignes directrices de conception de sites Web sur la santé en milieu autochtone canadien. Elle s'est appuyée sur l'étude de la culture autochtone, ainsi que des modes de conception des sites web afin de circonscrire un ensemble d'hypothèses sur les principes de développement et les modes de déploiement à adopter. Un modèle d'analyse regroupe ces hypothèses en vue d'élaborer l'instrumentation de mesure et d'investigation auprès des populations autochtones. Une méthodologie originale adaptée aux conditions de recherche est proposée. | ||||
Les autochtones du Canada et leur culture |
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Bien qu’elle se différencie des autres, la culture autochtone est marquée par sa propre diversité. À l’époque de conquête par les Européens, 56 nations autochtones parlant 30 langues furent répertoriées sur le territoire canadien (Canadian Heritage,2004). Au-delà de cette diversité, les peuples autochtones partagent des valeurs communes, une vision de la vie, une approche à la spiritualité, un mode d’organisation, des méthodes d’éducation (Canadian Heritage, 2004 ; Indian and Northern Affairs Canada (INAC), 2006a). Ils se reconnaissent dans l’expression de peuples autochtones, expression qui réfère aux peuples d’origine du Canada et à leurs descendants, incluant trois groupes : les Inuit, les Indiens, les Métis. | ||||
L’expression de premières nations s’applique aux Indiens, lesquels vivent sur des réserves. Par contre, les Inuits occupent l’Arctique canadien et se répartissent sur les territoires comprenant le Nunavut, les territoires du Nord-Ouest, et les parties nord du Québec et du Labrador. Au total, les autochtones représentent près de 4 % de la population du Canada, soit un environ 1.2 millions d’individus. | ||||
La notion de culture s’adresse aux caractéristiques qui, à la fois, sont partagées au sein d’un groupe et qui le différencient des autres groupes (Hofstede, 2001). Les valeurs constituent l’élément primordial d’une culture (Hostede & Hofstede, 2005). Elle se manifeste également à travers des symboles, des rites et l’adoption de héros (Hofstede, 2001). | ||||
La culture autochtone est « a way of life shaped by intimate relationships with the land, reinforced by a world view attributing life and spirit to all elements of the biosphere, and expressed in ethically ordered behaviors in social, economic and political spheres » (Indian and Northern Affairs Canada (INAC), 2006b). Il s’agit d’une conception holistique qui se reflète dans la « roue de la médecine », un symbole qui imprègne fortement la plupart des communautés autochtones (Figure 1). La roue comporte quatre cadrans inséparables, dont l’équilibre dans l’importance accordée à chacun, conduit à l’harmonie. Ils représentent les quatre dimensions d’une personne : le mental, l’émotionnel, le physique et le spirituel. (Dapice,2006). | ||||
L’attachement à la terre est une autre composante fondamentale de la culture autochtone et le respect qui lui est accordé est source d’harmonie. La langue renforce la transmission et contribue à la survie des valeurs (Indian and Northern Affairs Canada (INAC), 2006c). | ||||
La médecine autochtone traditionnelle |
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Une partie des difficultés de santé éprouvée par les communautés autochtones s’explique par les politiques d’assimilation du passé qui ont résulté en une appréciation négative des traditions, provoqué un abaissement de l’estime de soi, et conduit à un comportement autodestructeur (National Aboriginal Health Organization, 2003, 2008 ; Silverman, Goodine, Ladouceur & Quinn, 2001). | ||||
Les peuples autochtones ont aujourd’hui réhabilité leur médecine traditionnelle, souvent qualifiée d’ « alternative ». Chaque autochtone est appelé à trouver et maintenir son harmonie interne à partir des cercles de guérison, des huttes de sudation, des herbes médicinales, des cérémonies spirituelles, des chansons et danses, et de la transmission des connaissances par les anciens (Dapice, 2006; Hiebert & Heinrichs, 2007). La médecine traditionnelle reste vivante dans les communautés autochtones : sa survivance figure au centre de la National Aboriginal Health Organization (Hill, 2003). Cet organisme puissant édifié et contrôlé par les autochtones rapportait que 72% des 276 femmes constituant leur échantillon consultaient un guérisseur de médecine traditionnelle (National Aboriginal Health Organization, 2008). | ||||
Les communautés autochtones ne rejettent pas les pratiques biomédicales, mais les complètent par des pratiques traditionnelles. Les sites Web sur la santé doivent intégrer ces deux dimensions de la médecine, et cette intégration ne saurait s’effectuer qu’à travers un partenariat avec les communautés autochtones. Chaque maladie devra alors être examinée sous tous ses angles, c’est-à-dire en considérant non seulement les désordres physiques mais aussi, les implications psychologiques, sociales, économiques et culturelles. | ||||
L’évaluation des sites Web de santé |
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La conception de sites Web sur la santé implique la connaissance de ce qui leur confère leur qualité. Il s'avère ainsi essentiel de passer en revue les études antérieures sur les principes et critères d'une conception de qualité. Deux approches ont prévalu : celle fondée sur les critères (criteria-based), et celle axée sur l'usager (user-centered). | ||||
L'approche fondée sur les critères consiste à établir la mesure dans laquelle un site Web satisfait à une batterie de critères préalablement déterminés. Au sein de cette approche, deux branches peuvent être distinguées, selon que les outils d'évaluation sont d'ordre générique ou spécifique. | ||||
Deux études ont recensé les nombreux outils d'évaluation générique développés dans le secteur de la santé, et aboutissent à des conclusions similaires (Kim et al, 1999 ; Childs, 2005). Les critères les plus marquants s'adressent à la qualité de l'information (fiabilité, pertinence), à l'esthétique, au design, à l'identification des auteurs et de leurs sources d'information. Plusieurs efforts pour introduire une standardisation fondée sur la reconnaissance d'un ensemble de critères ont été menés, en particulier par Health on the Net Foundation, Internet Health Care Coalition, University of Oxford's Institute of Health Sciences et la Centrale Santé (France). Les outils d'évaluation en résultant s'accordent sur la nécessité d'avoir une information fiable, vérifiée, et dont les sources et références sont précisément notées. | ||||
Le courant spécifique vise à isoler un ensemble de critères qui s'appliqueraient à une maladie en particulier, soulignant que les critères génériques ne sauraient s'appliquer à tous les cas. Bath & Bouchier (2003) puis Harland & Bath (2007) ont ainsi démontré qu'une batterie de critères génériques était insuffisante pour établir la qualité de sites de santé sur la maladie d'Alzheimer et la sclérose en plaques. | ||||
L'approche centrée sur l'usager implique l'utilisateur actuel ou potentiel dans l'évaluation de la qualité du site. L'expression des préférences des utilisateurs devient alors l'indicateur de la qualité. Les méthodes sont diverses pour procéder à l'évaluation : questionnaire, entrevue, observation, simulation ou participation (Williams et al, 2002). La critique principale exprimée à l'encontre de cette approche porte sur le choix de l'audience : dans le contexte de la santé il serait préférable d'avoir recours à des experts afin de garantir la pertinence de l'information (Sellitto & Burgess, 2005). Cependant, l'argument majeur à l'appui de cette approche reste qu'un site ne retenant pas l'attention des usagers auxquels il est destiné est sans valeur (Dragulanescu, 2002). | ||||
Le contexte autochtone affichant de nombreux particularismes liés à une grande sensibilité culturelle, l’option de l’approche axée sur l’usager devient une nécessité. Toutefois, le choix de l'audience impliquée dans la conception du site Web de santé s'avère primordial. | ||||
Les autres facteurs incidents |
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Afin de déterminer quels autres facteurs étaient susceptibles d'avoir une incidence sur la conception de sites Web de santé en contexte autochtone, une analyse de la situation prévalant au district de Sioux Lookout a été entreprise. Situé au nord-ouest de la province de l'Ontario, ce district comporte 23 communautés dites de premières nations réparties sur un territoire de 385 000 km². Outre l'anglais, trois langues sont principalement parlées : l’Objibway, le Cree et l’Oji-Cree (Nishnawbe Aski Nation, 2007). La santé figure parmi les préoccupations principales de ces populations, qui en raison de leur éloignement n'ont accès à des hôpitaux que dans les villes de Thunder Bay et Winnipeg, impliquant un coût de déplacement très élevé. | ||||
Ces communautés sont notamment touchées par le diabète de type II, les maladies cardio-vasculaires, l'obésité, la dépendance, les maladies mentales, la dépression et le suicide (Fiser et al., 2006). Une étude sur les soins de santé dans le district de Sioux Loockout indiquait que 85 % des répondants souhaitaient disposer d'une plus grande information sur la santé (First Nation Centre - National Aboriginal Health Organization, 2003). | ||||
Les plus grandes barrières à l'adoption de sites Web par ces communautés sont l'accès à l'ordinateur et à Internet, les coûts associés au branchement et à l’utilisation d’Internet, l'absence de formation (Crompton, 2004). Les services de télécommunications du département de Keewaytinook Okimakanak (KO) couvrant le district Sioux Lookout sont assurés par K-net qui procure le branchement Internet et gère les infrastructures de télécommunications. Les applications de télésanté sont accessibles dans les stations d'infirmerie. | ||||
Les conditions d'accès à Internet et aux soins de santé, les priorités à attribuer aux contenus, le mode de consultation des sites Web (individuel, en groupe, en présence d'un professionnel de la santé) jouent un rôle dans la conception d'un site Web sur la santé dédié aux populations éloignées. | ||||
Hypothèses et modèle de recherche |
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Afin de déterminer les principes de conception qui doivent régir un site Web de santé en contexte autochtone, des hypothèses issues des réflexions sur la culture, l'évaluation de la qualité de sites Web, les conditions prévalant auprès des populations éloignées, ont été élaborées. Elles sont au nombre de quatre. | ||||
La première hypothèse teste l'expression des préférences à l'égard de la présentation des sites Web en fonction des maladies. Quelle que soit la maladie, les communautés autochtones expriment des préférences identiques quant à la conception du site Web. Elle s'énonce : | ||||
Ha1 : Les personnes des communautés autochtones préfèrent un type de présentation à tout autre type quelle que soit la maladie considérée. | ||||
La seconde hypothèse examine si les préférences s'expriment différemment selon les phases ou aspects des maladies (tels que le diagnostique ou le suivi, par exemple). Elle s’énonce : | ||||
Ha2 : Pour les personnes des communautés autochtones, les préférences à l’égard des présentations de contenu sont invariantes, quel que soit l’aspect de la maladie considéré. | ||||
La troisième hypothèse concerne les facteurs incidents liés à l’éloignement des communautés autochtones, tels que l’accès aux services de santé, l’accès à Internet, le mode de consultation des sites Web. Elle s’énonce : | ||||
Ha3 : Les facteurs liés à la localisation influencent les préférences de contenu et de présentation des personnes des communautés autochtones. | ||||
La quatrième hypothèse teste le rôle de la culture dans l’appréciation du contenu et de la présentation des sites Web. Elle s’énonce : | ||||
Ha4 : Les personnes des communautés autochtones préfèrent les sites Web dont le contenu contient des éléments de leur culture. | ||||
Le modèle correspondant à ces hypothèses comprend deux dimensions : l'une s'adresse au contexte et l'autre concerne les préférences l'égard de l'information. Le contexte considère les enjeux de santé des communautés autochtones, leur culture et les facteurs liés à leur localisation. Les préférences à l'égard de l'information de santé sont scindées selon deux aspects : le contenu en information de santé et le type de présentation du site. La figure 2 expose le modèle de recherche en résultant. | ||||
Conclusion |
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La méthodologie appropriée pour confirmer ou infirmer les hypothèses en vue d'établir les principes de conception est celle de l'analyse qualitative fondée sur une approche axée sur l'usager. Ce choix méthodologique répond à deux nécessités : la première est de respecter les conditions de recherche en milieu autochtone, la seconde est de collecter un ensemble riche et instructif de données. | ||||
Le Canadian Institute for Health Research (CIHR) a publié un ensemble de lignes directrices pour mener des recherches sur la santé en milieu autochtone, lesquelles doivent être scrupuleusement observées (CIHR, 2007). Parmi celles-ci figurent notamment le partenariat avec les communautés autochtones, et la contribution directe d’autochtones à la recherche. Également, toute recherche doit s'effectuer avec le souci de répondre aux priorités des communautés. Le respect de la culture et des traditions constitue un élément central du dialogue entre autochtone et non-autochtone. | ||||
Ainsi, la collecte de données est conduite en partenariat avec le Keewaytinook Okimakanak Research Institute (KORI) et K-Net, le service de télécommunications du département de Keewaytinook Okimakanak, un conseil tribal de six nations du nordouest de l’Ontario. Cette collecte porte sur deux maladies affectant notoirement les communautés autochtones: le diabète et la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). Une instrumentation spécifique de mesure a été développée. Les données sont recueillies auprès de répondants représentatifs par vidéoconférences organisées par les communautés autochtones en collaboration avec K-Net. | ||||
Figures at a glance |
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References |
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